En tête-à-tête avec… Marcel Ferrari (Président de la Ligue Auvergne Rhône-Alpes d’Athlétisme)

 

Marcel Ferrari
Président

 

 

« Je n’ai pas d’ambition personnelle, je défends les intérêts de l’athlé »

 Le bilan de la feu ligue Rhône-Alpes, la fusion avec l’Auvergne, sa candidature à l’élection fédérale, ses ambitions pour la nouvelle entité régionale, son quotidien de président… Marcel Ferrari balaie tous les sujets qui ont fait, font ou feront prochainement son actualité.

 

 

 

LE BILAN DE LA LIGUE RHONE-ALPES

« LARA : Un bilan très satisfaisant à mettre à l’actif de toute une équipe »

>> Et si on commençait par un petit coup d’oeil dans le rétro, pour dresser le bilan de la désormais feu

ligue Rhône-Alpes ?

La ligue a été créée en 2002, j’en étais président depuis 2004. Elle a toujours été animée par un projet très ambitieux… qu’on a su tenir. On s’est donné les moyens de nos ambitions. Il y a eu le nouveau siège à Bourgoin-Jallieu, notre investissement en faveur de la pratique santé/loisirs… Un secteur qui a permis de financer nos actions vis-à-vis des jeunes et des compétiteurs. Peu à peu, de nouveaux clubs se sont créés, par exemple en Drôme-Ardèche, qui a profité de la dynamique de la Ligue pour développer l’athlétisme sur un territoire plutôt en difficulté. Par ailleurs entre les France élite, les championnats du monde de cross, le décanation, les championnats du Monde IPC (handisport, ndlr) en 2013, les WMAC (championnats du Monde masters, ndlr) en 2015… On a également montré notre capacité à organiser de grands évènements avec une certaine qualité

>> Et il y a eu aussi la construction de la Halle Stéphane Diagana à Lyon, en 2012…

C’est l’exemple d’une ambition qu’on a menée au bout… Dès mon arrivée j’ai dit que je voulais une structure couverte sur la région. On a étudié plusieurs projets, et celui de Lyon était le plus viable. Derrière, il était porté par une vraie volonté de la ville et du quartier de La Duchère. On a fait pas mal d’allers-retours pour suivre le dossier, mais le résultat est là !

 

>> Comment mesurer cette évolution en chiffres ?
En 2004, nous avions 12 000 licenciés. En 2016, il y en avait plus de 24 000. La ligue comptait 4 salariés, désormais ils sont 8. Cette progression se traduit aussi sportivement : en 2004 nous avions trois qualifiés aux JO. L’an dernier à Rio, ils étaient 9, et il y a eu trois médailles (Kevin Mayer au décathlon, Christophe Lemaître sur 200m, Mélina Robert-Michon au disque, ndlr). Cette progression est due à un ensemble, une ambiance propice à la réussite que l’on a su créer. En résumé, c’est un bilan très satisfaisant à mettre à l’actif de toute une équipe.

 

LA FUSION AVEC L’AUVERGNE

 « Certains Auvergnats ont l’impression de se faire écrabouiller »

 

Alain Martres et Marcel Ferrari

>> Et puis est arrivée la fusion avec la ligue Auvergne, effective depuis le 19 novembre 2016. Comment avez-vous préparé cet important changement ?

La fusion nous a été imposée (dans le cadre de la mise en application de la réforme territoriale de la loi NoTre, ndlr). Nous avons dû la mener au pas de charge. Je crois que tout le monde n’a pas encore pris la dimension de ce qu’est la ligue AURA. On a eu à peine un an pour se mettre en place et on a passé notre temps à gérer les difficultés administratives. On n’a pas eu le temps de s’occuper de l’humain… On prend la mesure des difficultés au fur et à mesure.

>> Aujourd’hui, comment réagissent les acteurs des deux ligues ?

C’est plus facile pour la partie Rhône-Alpes. L’Auvergne découvre notre fonctionnement. Certains ont l’impression de se faire écrabouiller, alors que nous essayons de les intégrer. Mais parfois, comme on a l’habitude de faire les choses, c’est vrai qu’on va trop vite. Du coup les Auvergnats ont du mal à suivre. Mais c’est juste une question d’adaptation.

>> Prendre la présidence de la nouvelle ligue, était-ce une évidence pour vous ?

L’idée s’est imposée d’elle-même. On voulait travailler dans la continuité, mais Alain Martres (ex-président de la Ligue d‘Auvergne, ndlr) ne se sentait pas les épaules pour  présider une ligue de plus de 30 000 licenciés. Alors j’ai accepté. C’est un nouveau défi, il ne tient qu’à nous de le relever. On a conservé au maximum la même équipe. Maintenant, il faut que l’on se mette des priorités pour que la ligue avance.

« Un projet spécifique pour  la Haute-Loire et le Cantal »

>> Justement, quelles sont ces priorités ?

Il faut que d’ici quatre ans, tout le monde soit au même niveau. On doit donc harmoniser notre fonctionnement. Nous travaillons également sur un projet spécifique pour le développement de l’athlétisme dans la Haute-Loire et le Cantal, deux départements un peu démunis pour l’instant.

>> Concrètement, que pouvez-vous mettre en place pour accompagner ces deux départements ?

Il faut stimuler les gens, leur montrer qu’on peut avoir un début de projet athlétique même sans infrastructure. D’ailleurs, c’est ce que j’ai moi-même fait en 1980 quand je suis arrivé à Saint-Jean-de-Maurienne, en fondant l’UA Maurienne. Avec l’aide des comités locaux, on va mettre l’accent sur le fait que la pratique actuelle ne se borne pas à la piste.  Ces territoires ont besoin d’être accompagnés, mais avec de la bonne volonté leur développement est tout à fait possible. Puis on va leur expliquer qu’il est plus facile de négocier des installations auprès des collectivités quand on a déjà un club.

>> En tout cas sportivement, la nouvelle ligue est encore plus impressionnante…

Effectivement, on a 110 athlètes sur liste ministérielle ! Il y a un projet très poussé et de très bons athlètes sur Clermont, notamment Renaud Lavillenie bien sûr.

 

L’ÉLECTION FÉDÉRALE

« Nous sommes des gens de terrain, pas des politiciens. »

>> Revenons à présent sur un épisode qui a marqué l’année 2016, votre candidature à la présidence de la FFA… Comment a germé cette idée ?

Au fur et à mesure j’ai remarqué que ce qu’il se passait au niveau fédéral ne correspondait pas à ma conception de l’athlé. En discutant avec d’autres membres du comité directeur de la FFA qui avaient le même point de vue, on a décidé qu’il fallait faire bouger les choses. On a monté un groupe avec les gens qui partageaient nos idées. On a mis en place notre projet, en se disait qu’on choisirait ensuite qui prendrait la tête de liste… Et c’est à moi qu’on a proposé la place.

>> Est-ce que votre équipe était suffisamment armée pour faire campagne ?

Non, clairement. On a essayé de défendre notre projet, mais nous n’avions pas les clés pour faire campagne. Nous sommes des gens de terrain, pas des politiciens. La liste d’en face était soutenue par 100% du monde fédéral, et bénéficiait implicitement de moyens que nous n’avions pas.

« Au niveau local, l’ingratitude de certains athlètes et dirigeants m’a vraiment déçu »

>> Comment s’est déroulée la campagne ?

Au niveau fédéral, je dirai que les choses se sont déroulées dans les règles. André Giraud était déclaré candidat depuis longtemps, il était le candidat naturel de Bernard Amsalem qui l’a clairement soutenu. Rien d’étonnant. C’est par les réactions au niveau local que j’ai été très surpris, et déçu.

>> Comment ça ?

L’ingratitude de certains athlètes et dirigeants m’a vraiment déçu. Pour un strapontin qu’on leur a promis, certains dirirgeants ont fait campagne contre moi et ont essayé de convertir des gens, de l’Auvergne notamment. Ca aurait pu créer des scissions, d’autant que Alain Martres soutenait André Giraud. On a tout fait pour que cela ne pertube pas la partie locale, mais ce n’était pas simple. J’ai également été déçu de voir que certains athlètes que j’ai aidés pendant des années, soutenaient André Giraud parce qu’ils étaient favorables à la continuité.

>> Vous attendiez-vous à une campagne aussi âpre ?

On imaginait que ce serait dur, mais pas à ce point au niveau local. Les ambitions personnelles de certains ont pris le dessus. On ne s’y attendait pas, c’est très difficile à gérer. Heureusement ma liste a été très solidaire.

« Il y a des choses difficiles à encaisser… Je suis sans doute trop naïf »

>> Que retenez-vous de cette expérience ?

Ca reste une bonne expérience. Ca m’a fait plaisir d’écrire un projet avec d’autres personnes. Un projet qu’on a essayé de mener à bout, c’est très valorisant. On a obtenu 32,19 % des suffrages, c’était une déception on aurait aimé plus… Mais on sait que certains ont voté pour des raisons extra-athlétiques… Le jeu des réseaux et des influences a marché à plein régime.

>> Et humainement, comment digère-t-on les coups bas, les attaques personnelles ?

Ca a été difficile. Il y a des choses pas faciles à encaisser, surtout quand ça vient de personnes que l’on considérait comme des amis. Mais ça remet dans la réalité de la vie… Je suis sans doute trop naïf. Moi je n’ai pas d’ambition personnelle, je défends les intérêts de l’athlé.

>> Aujourd’hui, quelle est l’ambiance au comité directeur de la fédération ?
Il faut faire en sorte que ce ne soit pas la guerre, même si on n’aura jamais la même approche de l’athlétisme. Je regrette que aucun des onze membres élus de ma liste n’ait eu de place au bureau, ou à la présidence de commissions. Seuls les incontournables ont été nommés. Ce n’est pas la vraie ouverture annoncée. Je constate aussi que certaines de nos idées ont été reprises…  Bref, c’est le départ, on verra comment cela évolue… Aujourd’hui, je passe outre et je me concentre sur la ligue.

 

SA FONCTION

« Je suis beaucoup sur le terrain, je ne crois qu’à ça »

 

>> A quoi ressemble le quotidien d’un président de ligue ?

C’est beaucoup d’investissement, beaucoup de responsabilités, beaucoup de présences sur le terrain, beaucoup de déplacements… L’an dernier j’ai fait environ 35 000 kms. Avec la fusion ça va encore augmenter puisqu’il faut créer des liens avec l’Auvergne, apprendre à connaître les territoires, se présenter… Je suis beaucoup sur le terrain, je ne crois qu’à ça. Aller vers les gens, être ouvert, c’est indispensable. C’est une mission plaisante et motivante. Il y a quelques années, je m’étais amusé à compter mon nombre d’heures de travail pour l‘Athlétisme par semaine : ça tournait autour de 70 heures en moyenne !

 

>> Vous travaillez avec une équipe relativement stable depuis toutes ces années. C’est important de pouvoir compter sur ce noyau dur ?

C’est même un noyau très dur. Des personnes avec qui je travaille depuis une quinzaine d’années. Des gens qui ont su évoluer, se remettre en question. Ils m’ont toujours fait confiance, même si je leur faisais parfois peur avec mes idées bizarres.

 

Jessica Bissay