En tête à tête avec… Mélina Robert-Michon (Lyon Athlé)

Au fil des ans et des perfs, avec la simplicité qui la caractérise, elle est devenue l’une des meilleures ambassadrices de la grande famille des lancers, et de l’athlétisme régional.  En 2018, il n’y aura qu’un seul temps fort dans le calendrier de Mélina Robert-Michon : la naissance de son deuxième enfant, prévue fin mai. Puis la discobole lyonnaise se tournera vers les JO de Tokyo, en 2020. Prouvant ainsi une fois de plus que vie de famille et sport de haut niveau ne sont pas incompatibles… 

>> Comment abordez-vous l’année 2018 ?
C’est une saison différente puisque je vais donner naissance à mon deuxième enfant fin mai. Pour l’instant, tout se passe bien, je m’entretiens. On adapte les séances au fur et à mesure, mais je peux encore faire pas mal de choses. J’espère rester active le plus longtemps possible, parce que moralement ça fait du bien, et parce que ça m’aidera pour la reprise. Lors de ma première grossesse, j’avais continué à m’entretenir jusqu’à la fin du huitième mois. Avec cette expérience, je me pose moins de questions, mais j’essaie de ne pas trop comparer, parce que tout peut être différent. La priorité c’est que la grossesse se déroule bien. Si on me dit d’arrêter le sport, j’arrêterai.

>> Cette deuxième grossesse vous trottait dans la tête depuis longtemps ?
Ce n’était pas évident à gérer. Je n’avais pas envie d’arrêter le sport de haut niveau, mais je n’avais pas envie non plus de faire une croix sur ma vie de famille. Il y a beaucoup de paramètres qui rentrent en jeu. On s’était dit que si ça ne marchait pas rapidement à la fin de la saison dernière, j’arrêterais après les Europe à Berlin. Finalement, cela a bien coïncidé. Cette grossesse arrive au bon moment, j’avais besoin d’une coupure, nerveusement les dernières saisons ont été très intenses. Je suis à fond depuis 2012, j’ai envie de prendre un peu de recul.

>> Vous avez été élue dernièrement athlète de l’année 2017. Le point d’orgue d’une saison belle, mais justement éprouvante…
Ce titre, c’est une belle reconnaissance, pour moi et pour les lancers. J’en suis fière. La saison 2017 a effectivement été difficile. Après l’année olympique, j’ai eu beaucoup de sollicitations extras sportives à gérer, j’ai repris l’entraînement plus tard, il y a également eu des changements dans ma vie perso, bref ça a été compliqué. C’est là où je me dis que l’expérience a joué pour moi, ça m’a aidé à gérer cette saison qui aurait pu être une cata. Et puis j’ai toujours eu confiance en mes coachs, ça m’a permis de ne pas tomber dans le doute.

« Je sais que ça ne durera pas toujours. Je profite de chaque moment supplémentaire »

>> Votre famille va donc s’agrandir dans quelques mois… Et après, comment voyez-vous la suite de votre carrière ?
J’espère reprendre l’entraînement fin août début septembre. Je sais que ça va être dur, je vais en baver, mais l’envie compensera les difficultés. J’aimerais participer aux championnats du Monde 2019, ça tombe bien pour moi ils sont tard dans la saison (Fin septembre, à Doha au Qatar ndlr). Le principal objectif reste les JO, en 2020 à Tokyo.

>> À 38 ans, avec de multiples titres, vous pourriez tirer votre révérence avec les honneurs. Qu’est-ce-qui vous donne envie de repartir au charbon, encore et encore ?
Le plaisir. C’est la base. J’ai l’impression que j’ai encore de belles choses à faire, que je ne suis pas arrivée au bout, que j’ai encore de la marge. J’ai envie de revivre ces émotions. Je sais que ça ne durera pas toujours, je l’ai accepté et du coup je profite de chaque moment supplémentaire.

« Etre dans un club ce n’est pas juste porter un maillot en compétition »

>> Et toujours avec le maillot de Lyon Athlé, votre club depuis 2005…
Je suis fidèle à mon encadrement et aux gens qui m’entourent. J’ai commencé au CS Bourgoin-Jallieu, à la section de la Côte Saint-André. Quand j’ai déménagé à Lyon en 2002 j’ai signé à l’Entente Grand Lyon, parce que je ne pouvais plus participer à la vie du CSBJ comme je n’étais plus sur place. Et pour moi c’est important, être dans un club ce n’est pas juste porter un maillot en compétition. Puis quand l’Entente s’est arrêtée j’ai choisi Lyon Athlé, en 2005. C’est un club dynamique, qui a une belle histoire. Aux interclubs on réalise de belles choses parce que tout le monde se sent concerné, se surpasse grâce à l’ambiance, alors qu’on n’est pas favori sur le papier. Il y a le côté performances, mais pour moi la convivialité c’est important aussi. C’est ce qui est beau dans le sport. À Lyon Athlé, il y a beaucoup d’échanges entre les groupes. Et on a une belle équipe de lanceurs. Au-delà de compagnons d’entraînement, ce sont mes amis, mes proches.

>> Et « l’après » ? Comment envisagez-vous votre avenir une fois que vous aurez mis un terme à votre carrière ?
J’y pense, bien-sûr. Je m’y prépare assez tranquillement. Ce n’est pas quelque chose qui me fait peur. J’ai fait des études, j’ai déjà travaillé… Et j’ai la chance d’avoir un partenaire, GL Events, qui m’aide à préparer ma reconversion. Ça fait du bien à la tête de savoir que derrière, ce ne sera pas le grand vide.

« Désormais il n’y a plus de ce sentiment d’infériorité chez les lanceurs »

>> Mélina Robert-Michon coach, un scénario plausible ?
Pour l’instant, je ne me vois pas entraîneur, je ne me sens pas la patience ni les compétences pour gérer un groupe, programmer des séances. C’est vrai que ça m’éclate de partager ce que j’ai appris, mais plus comme une consultante.  Ponctuellement, je prends du plaisir à échanger avec les jeunes sur des séances techniques. 

>> Sous votre impulsion, c’est toute l’image de la discipline, et même de la famille des lancers, qui a changé…
C’est vrai que les mentalités ont évolué. La médaille aux JO a beaucoup joué. On a réussi à montrer qu’il était possible de médiatiser les lancers en France, et ça, ça me tient à cœur, c’est mon côté militant ! Pendant longtemps, il y avait un fatalisme qui ne me plaisait pas, qui consistait à dire qu’en France, on était nul en lancers, donc qu’on ne pourrait jamais s’exprimer au niveau international. Aujourd’hui le regard du grand public a changé, celui du monde de l’athlé également. Désormais il n’y a plus de ce sentiment d’infériorité chez les lanceurs. Ça motive tous ceux qui arrivent derrière.

Jessica Bissay (Photos : Page Fb Mélina Robert-Michon)