Championnats d’Europe de course en montagne – La récompense d’Anaïs Sabrié (ACVS)

 » Patience et persévérance » ont toujours été ses maîtres-mots. À Skopje (République de Macédoine), Anaïs Sabrié a récolté les fruits de son abnégation. Vice-championne d’Europe en individuel, championne d’Europe par équipes, la Caladoise a été la chef de file de l’équipe de France féminine de course en montagne. Un rêve éveillé pour l’athlète franco-allemande…

>> Revenons tout d’abord sur ce 1er juillet 2018 et cette course des championnats d’Europe de Montagne. Si on vous avait prédit ce scénario, vous l’auriez cru ?
Pas du tout ! Je savais que j’avais de bonnes jambes, je visais un top 10, voire un top 8… Et au fond de moi je pensais au top 5 mais je me disais que c’était un rêve. Ce type de parcours me convient bien : une boucle à faire deux fois, un vrai format de montagne avec pas mal de singles. On est parti vite, je me suis retrouvée cinquième ou sixième. Dès la première montée, j’ai senti que mes jambes répondaient bien. Devant, Christel (Dewalle, Athlé Saint-Julien 74, ndlr) donnait le rythme, j’ai suivi. Dans la descente, j’ai essayé de rester très relâchée. La descente, c’est mon point faible, je voulais surtout ne pas prendre de point de côté. J’ai laissé passer une Allemande, sans la perdre de vue. Dans la deuxième montée, je l’ai tout de suite redoublée. Et là j’ai réalisé que j’étais deuxième…

>> Et à ce moment là, qu’est-ce qu’il se passe dans votre esprit ? 
Je me suis dit que j’étais en train de faire un truc de fou ! Je n’en revenais pas  ! Pour une fois j’ai décroché le cerveau. Comme j’avais peur de me faire reprendre dans la deuxième descente, une fois arrivée au sommet j’ai tout lâché. D’habitude quand je suis dans le dur, je pense à la douleur, mais là j’ai pensé à tous les gens qui m’encourageaient, à ma famille, ça m’a boosté.

« J’ai pensé au titre par équipes, à la Marseillaise… »

>> Dans votre foulée, vos coéquipières n’ont rien lâché non plus… Le saviez-vous pendant la course ?
Comme le parcours était très ouvert, j’entendais notre staff encourager Clémentine (Geoffray, Ambérieu Marathon ndlr) et Elise (Poncet, EA Grenoble ndlr) derrière moi. Donc je savais qu’elles n’étaient pas très loin. J’ai pensé au titre par équipes, à la Marseillaise… Ça m’a aidé à ne pas lâcher dans les deux derniers kilomètres, qui n’ont pas été faciles…

>> Au final, vous repartez donc avec non pas une, mais deux médailles…
L’argent en individuel, c’est fantastique. Et cette médaille d’or par équipes m’a fait encore plus plaisir.  On a un super groupe, ça compte beaucoup. On se connaît depuis longtemps, on n’est pas seulement concurrentes, il y a de vrais liens entre nous. J’étais un peu inquiète pour Christel (23ème, ndlr), elle a eu de gros maux de vente, et a eu le mérite de s’accrocher. 

Une discipline dans l’ombre du trail….

>> La France revient de Macédoine avec de très bons résultats et de nombreuses médailles… La meilleure des publicités pour la course en montagne, non ?

C’est clair ! Quand on fait des résultats, ça nous permet de faire parler de notre discipline, de montrer qu’on est de vrais athlètes ! La course de montagne est passée dans l’ombre du trail, alors que ce sont deux épreuves différentes : c’est comme si le marathon faisait de l’ombre aux 10 km ! La montagne, c’est comme un cross, avec du dénivelé. Il faut être toujours à fond.

>> Hors sentier, qu’est-ce qui rythme votre quotidien du moment ?
Je fais mes études de médecine en Allemagne. Je suis en milieu de cinquième année, je passe mes derniers examens théoriques en avril 2019, et ensuite il me restera quatre ou cinq ans d’internat. J’aimerais bien être généraliste, et m’installer dans les Alpes ou les Pyrénées.

De la course de montagne à la piste… « Toucher à tout pour ne pas se lasser »

>> Votre temps se partage donc entre deux pays… 
J’habite dans les Monts d’Or, j’ai toujours été inscrite à l’Athlé Calade Val de Saône, à la section de Neuville-sur-Saône plus exactement. Ma mère est allemande, et j’ai la double nationalité. Quand je suis partie en Allemagne pour mes études, j’ai également pris une licence là-bas. Je ne me verrai pas en équipe nationale d’Allemagne, j’ai toujours été en sélection avec la France, je n’ai aucune envie de changer. J’ai une coach en Allemagne, qui m’entraîne quand je suis sur place. En France, je me fais mes propres plans. Maintenant je me connais, j’arrive à trouver mon équilibre. 

>> Le week-end dernier, vous avez réalisé le grand écart en participant aux France Elite, sur 5000m (17 »22 »73). Quelle est maintenant la suite de votre programme estival ?
Je vais également disputer les élites en Allemagne, toujours sur 5000m. C’est le 14/15 juillet, je vais prévoir quelques séances pour m’y préparer, ce que je n’ai pas eu le temps de faire avant les France. J’aime bien toucher à tout, changer, pour ne pas me lasser. Ensuite je m’accorderai au moins deux, voire trois semaines de repos. Je reprendrai en août pour préparer les championnats du monde de course en montagne. 

Jessica Bissay