L’année 2020 démarre en beauté pour Emmanuelle Chazal (CAR). La spécialiste des épreuves combinées s’est classée 7ème et première Auriste du meeting X-Athletics, samedi dernier à Aubière. Avec 3825 points, elle revient tout près de son record personnel, datant de 2016. Le fruit de longues heures de travail, le fruit de la maturité…
9 points. C’est ce qui sépare la perf qu’Emmanuelle Chazal a réalisé samedi lors des X-Athletics de son record personnel au pentathlon. À Aubière, elle a totalisé en fin de journée 3825 points, perf N1. Cela ne lui était plus arrivé depuis 2016, et les championnats nationaux indoor à Metz (3834 pts).
Alors forcément, elle savoure. « Psychologiquement, ça fait du bien ! L’an dernier, j’ai manqué la perf N1 pour 3 points, j’avais les nerfs ! Ça fait rire mon coach, mais pour moi ça a de l’importance ! » Et elle savoure d’autant plus qu’elle sait qu’elle a bien failli ne pas être de la partie « mi-décembre, j’étais encore sur liste d’attente… S’il n’y avait pas eu de désistement, je n’aurai pas pu participer ! C’est un super meeting, je l’ai pris comme une chance et j’y suis allée pour me faire plaisir ».
Du RP sur 60m haies à « l’envie » de courir le 800m…
Un état d’esprit qui s’est rapidement révélé payant puisque la Roannaise a démarré sa compétition par un record perso, sur 60m haies (8″91). « Ce record datait de 2016 ! Et puis ce qui est top, c’est que je sens que j’ai encore de la marge ». S’ensuit le concours de hauteur, où elle efface 1m71. « C’est là que j’ai commencé à ressentir une douleur à la cheville, mais j’étais en mode compet, j’avais décidé que ça ne m’arrêterait pas ». Au poids, petite déception (10m41). « Mentalement, je n’étais pas là. J’ai progressé à l’entraînement, mais pour l’instant je n’arrive pas à le concrétiser en compétition ». Puis en longueur, malgré sa cheville strapée, elle saute à 5m53. « Le coach était un peu frustré, pas moi. J’ai encore du mal à me lâcher dans cette discipline. J’ai eu pas mal de soucis techniques, j’ai travaillé, ça va venir ». Et quand arrive le 800… « J’y suis allée avec envie. Avant, je m’en rendais malade, j’y allais en marche arrière. J’ai beaucoup bossé psychologiquement là-dessus. Mon coach et mon homme avaient fait les calculs : il fallait faire 2″26 pour être N1, 2″23 pour battre mon record.. J’ai fait 2″24 ! »
Les élites en point de mire
Reboostée pour la suite de son hiver, Emmanuelle va maintenant prendre le temps de soigner sa cheville récalcitrante… Et repartir à l’entraînement. « Je ne referai pas de compétition avant les Frances N2 ! J’ai laissé beaucoup de jus dans ce pentathlon, je sens qu’il faut que je recharge les piles. Avec les années, j’ai moins besoin d’enchaîner les compétitions ». En ligne de mire, un objectif clair : la qualif’ pour les élites. « Ce n’est pas gagné… Faudra tout donner aux N2 ! Après, je ferai sans doute aussi la hauteur en individuel aux Frances, pour accompagner mes camarades de club ».
Arrivée au CAR en 2016, elle a trouvé dans le club du président René Gergelé un nouvel équilibre. « J’ai quitté le Coquelicot 42 quand mon entraîneur Romain Vernede est parti. Ça n’a pas été facile, il m’a fallu un temps d’adaptation, mais aujourd’hui je me sens bien. Au CAR, j’ai retrouvé confiance. J’ai beaucoup de chance, c’est un club familial, mais bien structuré, qui a de l’ambition, et qui m’aide beaucoup. »
« Ma force, c’est ma capacité de travail »
Aux côtés de Benjamin Dubois, qui l’entraîne depuis 2017, elle poursuit sa route. « Je m’entraîne au moins six fois par semaine, quand mon corps ne me rappelle pas à l’ordre. Je n’ai pas un pied exceptionnel, ni des qualités incroyables. Moi ma force, c’est ma capacité de travail. Benjamin sait qu’il a des lacunes dans certaines disciplines, du coup il m’envoie voir d’autres coachs dans la Loire. J’ai beaucoup de chance, il me permet d’avoir accès à une salle de sport, un spa… »
Autre élément de taille qui contribue à cet équilibre, elle a désormais son poste de professeur d’EPS en lycée pro à Roanne. « Depuis quatre ans, ma situation pro est stable, ça aide beaucoup. Je n’ai pas le statut d’athlète de haut niveau, mais j’ai la chance d’avoir beaucoup de liberté dans mon emploi du temps, mes collègues sont top ».
La « doyenne » du circuit
La chance, un terme qui revient souvent dans les propos d’Emmanuelle Chazal. Sans doute parce qu’à bientôt 29 ans, elle porte un autre regard sur sa carrière, sur sa vie. « J’ai énormément travaillé le côté psy. Aujourd’hui je me mets beaucoup moins la pression. À 28 ans, je n’ai plus envie de pleurer tout le week-end pour une mauvaise perf. J’ai juste envie de profiter du temps qu’il me reste à l’athlé ». Sur le circuit, elle est devenue l’une des « doyennes », et elle le vit bien : « J’adore quand je croise des athlètes avec qui je concourrais il y a dix ans, qui me disent « t’es encore la » ? »
Plus mordue que jamais, elle assume la place qu’occupe l’athlé dans sa vie. « C’est sûr, il y a des choix plus difficiles à 28 ans qu’à 20 ans… Mais on ne peut pas tout faire. Mon ami est entraîneur de foot et s’investit beaucoup dans ce domaine. Autant que moi dans le mien. On a trouvé notre équilibre. »
Et pour combien de temps ? « Je vis saison après saison. En fait je crois que depuis que j’ai appris à relativiser, je prends encore plus de plaisir à l’entraînement… Alors forcément, j’ai envie de continuer ! »
Jessica Bissay (crédit photos : Thierry Séauve/Le Progrès – Michel Fisquet/TeamPhoto – Jérôme Lagunegrand/Jelagphotos)