Ce n’est pas vraiment le début de saison qu’il avait imaginé. Mais une fois de plus, il s’adapte. Victime d’une déchirure à l’ischio-jambier gauche mi-avril, Christophe Lemaitre a dû modifier son calendrier de rentrée. Malgré ce contretemps il continue sa préparation sereinement, dans son cocon aixois, entouré de ses coachs Pierre Carraz et Thierry Tribondeau. Entretien.
>> LA BLESSURE
C’était le 15 avril dernier, lors du meeting de L’Etang Salé à La Réunion, qui venait clôturer un bon stage d’entraînement. « Je me suis blessé sur le 100m. Je suis rentré en France rapidement pour passer une IRM qui a montré une déchirure du biceps fémoral de l’ischio-jambier gauche. On a aussitôt mis en place un protocole de soins. » Malgré cet aléa, le médaillé de bronze des derniers JO a gardé sa sérénité. « J’ai pris sur moi, je suis resté confiant. On a continué à travailler en faisant attention à ne pas tirer sur la blessure. J’ai déjà remis les pointes et fais quelques séances de sprint, en courant toujours en deça de la douleur. » à contre coeur, il a donc dû tirer un trait sur les mondiaux de relais à Nassau, et sur le premier tour des Interclubs. Dimanche dernier, il est tout de même venu à Parilly, mais en supporter. « Je voulais être présent, c’est un moment important pour le club. »
L’oeil du coach Thierry Tribondeau : « Christophe est comme un prototype de F1, un grain de sable peut enrayer la mécanique. Malheureusement, on est coutumier du fait. Notre vertu de coach, c’est de s’adapter. Sur place, quand il se blesse, la première réaction est de se demander où on a pu se tromper. Avec du recul, on pense que Christophe a sans doute démarré le stage avec une dette de fatigue sur les ischios, peut être notamment suite à un test isocinétique réalisé avant de partir… Mais on ne pouvait pas le percevoir. »
>> LA SUITE DE LA SAISON
Ce contretemps n’a pas écorné les ambitions de l’Aixois : « On reste focalisé sur les championnats du Monde de Londres, avec l’idée de doubler 100 et 200m. Malgré cette blessure on est confiant parce qu’on a bien bossé cet hiver. Et même là, on continue le travail. » Un retour aux affaires pour le 2ème tour des interclubs est envisagé. à domicile, Christophe pourrait s’aligner sur 200m. Mais pour l’instant, cela reste du conditionnel. « On verra quelques jours avant. Si on sent que c’est limite, on ne prendra pas de risque ! »
L’oeil du coach : « le staff a très bien travaillé, cette blessure ne remet pas en cause les objectifs de la saison. On a pris du retard on ne va pas se cacher, il ne faudra pas attendre de grosses perfs d’entrée. Ce n’est pas marrant mais on va s’adapter. Londres, c’est dans un peu plus de trois mois. A nous de bien travailler… « .
>> L’APRES RIO
Médaillé de bronze ou pas, le Savoyard a gardé les pieds sur terre. « Je me suis remis au travail normalement. Je tiens à conserver mes habitudes. En règle générale j’essaie de ne pas me laisser perturber. Ni par les médailles, ni par les contre perfs. Je sais que je suis plus attendu, plus observé, mais je n’y fais pas attention. Moi je suis concentré sur ce que j’ai à faire ». En ligne de mire, pointent forcément les prochains Jeux Olympiques… « Bien sûr que j’ai envie de réussir à Tokyo, mais j’ai d’autres objectifs avant. Je travaille année par année. »
L’oeil du coach : « Rio a conforté Christophe dans son choix de rester sur Aix. ça l’a libéré d’un doute. Il a eu la satisfaction de se prouver et de montrer qu’il était à la hauteur des attentes. C’est une star mondiale, donc forcément on est très observé, critiqué… Aux JO, on a prouvé qu’on était dans le vrai, on a réussi notre pari. Après son 200m, le soir même j’étais au téléphone avec Pierrot et on se projetait déjà vers la suite. Désormais, on a un défi commun pour 2020 : le titre de champion olympique. On ne sait pas ce qu’il peut se passer d’ici là, mais on veut rester fidèles à notre philosophie. Les Savoyards sont des gens intègres, de parole. »
>> SON GROUPE D’ENTRAINEMENT
Six fois par semaine en moyenne, le sprinter qui fêtera ses 27 ans en juin s’entraîne sur la piste flambant neuve du stade Forestier, à Aix-les-Bains. « On a un bon groupe, ça motive. C’est plus facile de passer les grosses séances à plusieurs. » Epaulé par Pierre Carraz et Thierry Tribondeau, il a trouvé son équilibre. « Ils me connaissent bien. Je leur fais confiance. Il y a beaucoup de respect entre nous. On a su rester fidèles à ce qu’on est. »
L’oeil du coach : « je travaille avec Christophe depuis septembre 2012(*). Il se sent bien dans notre trio. Les difficultés nous ont soudés. Avec Pierrot, on se connaît depuis 1978, c’est mon deuxième papa ! On se complète bien, on a la même philosophie du sprint. On tient à cultiver une ambiance détendue. Aux entraînements, on rigole, on se donne des défis… On essaie de ne pas trop se prendre au sérieux. On ne veut pas se mettre de pression excessive, comme ça a pu être le cas en 2013/2014, où on a peut être perdu le goût par moments. »
>> SON CLUB, SA LIGUE
Depuis ses débuts en 2005, Christophe Lemaitre a toujours été fidèle à l’AS Aix les Bains. « C’est mon premier club, j’y suis très attaché. C’est là que j’ai découvert l’athlé, que j’ai pu exprimer mon potentiel. J’ai aussi rencontré beaucoup d’amis. » Il est rapidement devenu l’un des fers de lance de la Ligue Auvergne Rhône-Alpes, un partenaire important pour l’athlète. « Je connais bien les entraîneurs régionaux, je fais beaucoup de stage avec la Ligue. Elle nous épaule bien, on se sent soutenu. »
L’oeil du coach : « pour moi le parcours de Christophe représente un vrai message d’espoir. Il prouve qu’on peut reussir à haut niveau en restant sain et humble, au sein d’une structure de club, tout en respectant son environnement. On revendique un club, une région… La ligue est solidaire et nous aide à aller de l’avant. Rien ne se ferait sans cette dynamique. »
Jessica Bissay
(*) Thierry Tribondeau entraîne à l’AS Aix les Bains avec Pierre Carraz depuis 1994 et depuis 2012 en co-entrainement pour Christophe Lemaitre, à la demande de Pierre.