Cela faisait longtemps que l’on n’avait pas parlé « perfs ». Celle d’Axel Hubert, même si elle n’est pas officielle, a fait du bruit dans le petit monde de l’athlé. Le médaillé de bronze des France élite 2019 a organisé son propre décathlon sur son stade d’entraînement, en Normandie. À l’issue de cette compétition, où il était le seul concurrent, il a signé un nouveau record personnel… Qui le rapproche un peu plus des minima olympiques, son rêve reporté à 2021.
Les JO ? Annulés. Les championnats d’Europe ? Annulés.
Comme tous les athlètes, le décathlonien Axel Hubert a vu ses principaux objectifs de l’année 2020 tomber à l’eau, les uns après les autres. Mais le Normand, licencié à l’AS Aix-les-Bains n’est pas du genre à se résigner. « J’ai voulu combattre cette sensation de m’entraîner pour rien, savoir ce que valait ma prépa, me tester. »
Alors puisqu’il ne pouvait se rendre sur aucune compétition, il a décidé de faire la compétition… Chez lui, les 13 et 14 juin. Sur la piste où il s’entraîne habituellement, à Bernay (Normandie). Même s’il savait qu’il serait impossible de faire venir ses amis décathloniens dans le contexte actuel. « Je me suis dit qu’au moins, je verrai de quoi j’étais capable tout seul ».
Le confinement, une opportunité pour casser la routine
Et mesurer ainsi les bénéfices de ses semaines d’entraînement version Covid : « j’étais aux Sables d’Olonne pendant le confinement. J’ai fait comme tout le monde : du renfo sur ma terrasse, des séances dans ma rue… J’ai vécu ce passage comme une opportunité de casser ma routine, être plus pointu sur certaines choses. Je suis sûr que ça a joué ». En revanche pour renouer vraiment avec les épreuves techniques, il a dû patienter : « J’ai repris les lancers mi-mai quand je suis rentré en Normandie. Mais je n’ai eu accès à la piste et aux sautoirs que début juin ».
Si la préparation de ce décathlon a été inédite, son organisation l’a été encore plus. « J’ai piloté toute la logistique. J’ai acheté un manche à air, un anémomètre… Mon kiné a trouvé un pistolet de départ, et le club de Bernay m’a permis d’avoir accès à du matériel », détaille l’athlète, qui rajoute : « J’ai eu l’autorisation de la mairie pour la piste seulement début juin, je commençais à stresser ».
Une bonne dose d’organisation en amont.. pour être focus sur l’aspect sportif le jour J. « Pendant la compétition, c’est ma famille qui a tout fait. Ma sœur a fait starter, mon père était au chrono… Je tiens vraiment à les remercier. » Car forcément le comité de supporters était restreint : « Je n’en avais pas trop parlé comme on ne pouvait pas se rassembler en grand groupe. Il y avait mes parents, ma sœur, ma copine, mon masseur, mon kiné et quelques amis proches… »
« J’étais dans ma bulle »
Pour le déroulement de la journée, le vice champion de France 2018 s’est inspiré des horaires du championnat de France espoirs de Saint-Renan, en 2017, où il avait remporté le titre. Et pas question de profiter du côté « officieux » de cette compétition pour assouplir les règles : « J’ai vraiment respecté les temps imposés entre chaque essai ».
Au fil des épreuves, l’état de grâce s’est étendu : « Je me sentais en pic de forme, c’était programmé. Je n’ai eu aucun pépin physique, j’avais de l’énergie et confiance en moi. J’ai été constant de partout avec de belles perfs aux lancers ». Seul petit bémol : le saut à la perche, où il a franchi 4m70 (record a 4m92). Une déception à relativiser toutefois : « Je n’avais fait qu’un seul entraînement depuis le confinement, avec vent dans le dos, alors que là j’avais vent de côté, le pire ».
Le tout dans une ambiance inédite : « tout seul c’est compliqué d’arriver à se transcender. Mais j’ai bien su gérer, j’étais dans ma bulle. Et puis ma famille était là pour la claque à chaque essai ».
Sur la voie de la professionnalisation, une association et une cagnotte en ligne…
Et à la clé à l’issue du week-end, un joli record : 8113 points (ancien record : 7810 pts). « Ce n’est pas officiel mais ça me met en confiance. Maintenant ce sera ma nouvelle base de travail. Ce total aurait dû sortir depuis plusieurs années, mais je terminais mes études en parallèle, c’était compliqué ».
Car une fois son master ingénierie mécanique validé aux USA, Axel Hubert a choisi de se consacrer à l’athlé en juin 2019. « Maintenant que j’ai un bagage scolaire, je me donne deux ans pour essayer de vivre de mon sport. Pour être en haut niveau, il n’y a pas le choix. » Afin d’aller plus loin dans son projet, il a créé une association « Athlète 10 en 1 » et ouvert une cagnotte Leetchi
Prochain objectif pour l’athlète 10 en 1, préparer les championnats de France d’Épreuves-combinées à Aubagne. Avec en ligne de mire les minima olympiques : 8350 points.
Le tout, toujours sous les couleurs de l’AS Aix-les-Bains : « j’ai signé à Aix pendant mes études. Pour l’instant j’habite à Bernay, chez mes parents. Mais je ne vois pas pourquoi je changerai je me sens bien dans ce club. Ça me permet de garder contact avec une région que j’aime beaucoup ».
Jessica Bissay (Crédit photos Shinji Vitaly)