L’interview dé-confinée de… Maxence Bruyas (demi-fond, Athlé Calade Val de Saône)

D’accord, le confinement est terminé. Mais la saison athlétique, elle, est toujours à l’arrêt. Imposant à tous nos athlètes, d’ordinaire au taquet à cette période de l’année, un mois de mai complètement inédit ! À défaut de pouvoir parler de leur dernière perf, de leur état d’esprit avant la prochaine compèt, nous leur avons proposé un petit questionnaire adapté aux circonstances… Le Caladois Maxence Bruyas, champion de France élite sur 800m cet hiver, est le premier à se prêter au jeu

> Comment as-tu vécu ces deux mois de confinement ?
J’étais en Ardèche avec mes parents, mon frère et sa copine. J’ai la chance d’avoir un peu de terrain donc je ne suis quasi pas sorti (seulement 2 fois pour marcher) durant les deux mois. Je suis une formation d’ingénieur agronome en alternance donc j’ai fait du télétravail et de la téléformation. C’est un mode de travail que j’apprécie car on organise ses journées comme on veut même si c’était souvent un 9-16h. Je suis quelqu’un qui voyage beaucoup d’habitude (école à Montpellier, entreprise à Paris, club à Villefranche-sur-Saône et maison en Ardèche) donc c’était assez difficile de rester plus d’une semaine au même endroit mais bon, je m’y suis vite fait, enfin, je n’avais surtout pas le choix.

> Est-ce que tu t’es découvert des talents cachés (Jardinage ? Bricolage ? Cuisine ?)
Découvert, non. Ce sont des activités que j’adore faire. Je fais le jardin depuis quelques années maintenant et depuis deux ans je fais de la sélection et mes propres semis (pas toujours une réussite !) J’ai aidé mon père pour quelques travaux et côté cuisine j’adore faire des plats (rarement light et souvent épicés). Mais à part pour le jardinage, je suis assez fainéant donc tant qu’on ne me dit rien …

> Du coup, avoue… Il y a eu du relâchement dans ton hygiène de vie ?
Absolument pas, repas tout vapeur, pas d’alcool…………. Je rigole bien sûr.
J’ai pris cette période comme une grosse coupure athlétique, je n’ai pas du tout couru de deux mois (car courir dans un rayon d’un km pendant 2 mois, je n’aurai pas aimé) donc je faisais plus ou moins attention. Des barbecues, de la bière, et je devais tourner à 6/7 tablettes de chocolat noir par semaine (le litrage de bière ne sera pas dévoilé). Je vais essayer de retrouver un rythme de vie sain, mais avec les retrouvailles ça risque de prendre un peu de temps…

Élastique de nage, home trainer et PPG en famille…

> Quel genre de séances fais-tu en ce moment ? Quel genre de séances te manquent/ne te manquent pas ?
Avec mes 2 frères on s’est motivé dès le début du confinement, PPG (pour maintenir la masse musculaire) 6 fois par semaine et chacun préparait 2 séances par semaine. Ça me permettra peut-être d’intégrer de la musculation plus tard, car on m’a souvent dit qu’avant de l’intégrer à l’entrainement, il fallait être plus que correct en PPG.
On faisait les séances en Visio et mon grand frère ne manquait pas d’imagination pour la programmation des exercices (des post-it (avec les exos dessus) accrochés à la roue d’un vélo en mode « roue de la fortune », une bataille navale…).
En guise d’échauffement de PPG (pour maintenir un peu de cardio), je faisais de la corde à sauter ou du home trainer (45min à 2h suivant l’envie). Sur le vélo je me suis fait quelques séances et elles ne me manqueront pas à l’avenir ! Côté athlé, toutes les séances me manquent, je suis un passionné de l’athlé et de l’entraînement mais j’avoue qu’une petite VMA pyramidale du style 2x (200/300/400/500/400/300/200), avec la team des sacrés Caladois me ferait bien plus plaisir qu’une grosse séance lactique seul. J’ai recommencé à courir le lundi 11 mai, 30’ au réveil, je ne pouvais pas attendre toute la journée. Je vais courir un jour sur 2 pendant 3 semaines environ en augmentant progressivement la durée. Ensuite je rajouterai des fartleks légers et la suite on verra en fonction des objectifs. Je vais garder les sorties vélos et je me suis fabriqué un système pour nager sur place dans ma piscine (je nage comme un caillou donc je ne pourrai que progresser). Et il faudra bien-sûr continuer à travailler la PPG pour ne pas perdre les bénéfices des deux derniers mois. L’important ce n’est pas de revenir vite, c’est de revenir sans se blesser (et il y a le temps pour).

> Comment fais-tu pour garder la motivation ?
Comme je l’ai dit précédemment, je suis un passionné. Je m’intéresse à tout, je lis beaucoup de bouquins en rapport à l’athlétisme et pas forcément le demi-fond, des biographies, sur l’entraînement. Les derniers sont « Ma vérité toute nue » de Romain Mesnil, la biographie de Jean Bouin et là je suis sur un bouquin anglais de Peter Coe sur le 800 & 1500m.
Je regarde des vidéos également, sur l’entraînement (merci Flotrack & son « workout Wednesday »), des reportages d’athlètes ou triathlètes (je commence à être à court d’ailleurs), et des colloques notamment ceux de la ligue Aura avec Maurice Houvion et Jean-Claude Perrin.
J’adore entraîner également, je fais souvent des plans d’entrainement pour des amis et j’ai entraîné mon petit frère pendant presque 2 ans. Il a eu une progression impressionnante en peu de temps.
Un grand merci à mes frangins qui m’ont aidé à garder la motivation, je ne suis pas sûr que j’aurai fait autant de PPG, ma partie de l’entraînement préférée… Ils m’ont aidé à travailler un point faible que je n’arrivais pas à améliorer par manque de motivation depuis des années. De plus ça évitera de me faire brancher sur ma tête qui part dans tous les sens en fin de course par les coachs et athlètes (et même les commentateurs de RMC en finale élite à Liévin) !

« Je suis capable de regarder 2 ou 3 fois la même course pour analyser chaque athlète »

> Et pour entretenir l’esprit de compétition ?
Ah… je dévoile mes secrets là ! Je suis un compétiteur de base, mais ça ne fait pas tout. Je regarde énormément de vidéos de courses du 800 au 10 000 (pour le 10k j’avance jusqu’au 8ème km sinon c’est trop long haha). Les meilleures courses sont bien évidemment les championnats, la tactique de course, les temps de passage, je regarde tout. Je suis capable de regarder 2 ou 3 fois la même course pour analyser chaque athlète, regarder les bons ou les mauvais placements. Je demande souvent qu’on filme mes courses également, j’analyse ma façon de courir pour ne pas reproduire les mêmes erreurs. Par exemple, en série des France élites en mars, j’ouvre le 1er couloir à Alexandre Selles sur le dernier tour et ça aurait pu me priver de finale. Le lendemain, conscient de l’erreur de la veille, j’ai bien veillé à fermer la porte sur le dernier tour et ça a plutôt bien fonctionné.

> Puisqu’il n’y a pas de compète au calendrier pour l’instant, comment vas-tu occuper tous ces week-ends de libres ?
Comme en pré-saison, je vais me préparer, retrouver un bon état de forme progressivement donc les week-ends seront surement destinés à aller voir des potes pour faire des séances, et l’apéro bien sûr ! J’ai pris goût au vélo également et j’aime bien aller en montagne donc je pense que les week-ends seront animés par ces activités-là au moins jusqu’en août car je serai bientôt tonton, ça risque de m’occuper aussi !

Un beer mile avec Patrick Chaunier, Lucas Maréchet et Maxime Garcin… 

> Prêt à t’entraîner tout l’été si la saison est décalée à l’automne ?
Bien sûr et je m’entraînerai même s’il n’y a pas de saison mais rien n’a été programmé encore avec mes coachs. Ce qui est sûr c’est que je n’enchaînerai pas les 3 saisons (estivale 2020, indoor et estivale 2021) à 100%. C’est impossible de faire des performances en si peu de temps même si j’ai quand même du mal à faire l’impasse sur une saison. Je suis un compétiteur, j’aime l’opposition, me confronter aux autres, donner le meilleur de moi-même.
Je ne retournerai bien évidemment pas sur les cross cet hiver mis à part peut-être cross relais (si ça ne fait pas plus de 2km). Il y aura quelques courses sur routes, des courses « plaisir » (ou saucisson) car pour moi, si tu ne te fais pas plaisir quand tu pratiques ton sport, c’est que tu n’es pas fait pour.

> Si tu pouvais choisir, qu’est-ce que tu programmerais à la TV cet été en remplacement de tous ces événements sportifs qu’on aurait dû suivre en direct ?
Je regarde très peu la télé, plutôt Netflix, Youtube. Mais s’ils rediffusent quelques événements majeurs de l’athlétisme ou triathlon, c’est quasi sûr que je serai devant la télé même si je risque fortement de les avoir déjà vus.

> Imagine… Tu as une autorisation exceptionnelle de la FFA : tu peux disputer le week-end prochain une seule épreuve, contre trois adversaires uniquement, sur le stade de ton choix. Tu choisis quoi ? Contre qui ? Où ?
Un Beer-mile avec mon coach Patrick Chaunier (spécialiste de la 1ère épreuve plutôt que de la 2ème), Lucas Maréchet (grand triathlète norvégien) et Maxime Garcin (champion du monde du 10km et semi-marathon parking) sur le stade olympique de Villefranche-sur-Saône. Attention, l’abus d’alcool est dangereux, consommez avec modération (faut-il encore le trouver). 

Jessica Bissay

(Crédit photos : Julie Bonardi/Maxence Bruyas)